L’évangélisation: Blaise Pascal, un exemple à suivre

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Lors du webinaire passé, j’ai raconté comment Pascal, après sa conversion, s’est donné l’objectif d’écrire un livre pour convaincre ses amis incroyants du bien-fondé de la foi chrétienne. Il est mort jeune, à l’âge de 39 ans, après seulement 8 ans de vie chrétienne, sans terminer le livre. Mais il a laissé des centaines de papiers sur lesquels il avait commencé à rédiger cet ouvrage. Après sa mort, sa famille a publié ces textes sous le titre Les pensées de Pascal.

Heureusement, Pascal avait lui-même indiqué le plan de son livre:

  • Première partie: Misère de l’homme sans Dieu.
  • Seconde partie: Félicité de l’homme avec Dieu.
  • Autrement
  • Première partie: Que la nature est corrompue. Par la nature même.
  • Seconde partie: Qu’il y a un réparateur. Par l’Écriture.1

Après avoir abordé largement ces thèmes, Pascal a ensuite proposé un pari à l’intention de ses amis "libertins" (c’est-à-dire libres-penseurs) puisqu’ils passaient leur temps à jouer aux cartes avec un attrait supplémentaire pour les paris.

Pourquoi Pascal a-t-il choisi de développer cet argument du pari pour ses amis? Il a voulu faire appel à leur propre conception de la vie. Si ces amis étaient prêts à engager une forte somme d’argent dans l’espoir d’un gain bien supérieur en pariant aux cartes, ne devraient-ils pas engager leur temps et leurs efforts à chercher si le christianisme ne proposait pas un gain extraordinaire – la paix au cours de notre vie terrestre et la vie éternelle. Il cherchait à provoquer une réaction devant leur indifférence envers Dieu. La question était essentielle, car elle touchait à propre existence. Ce n'était pas un petit jeu philosophique:

Il s’agit de nous-mêmes et de notre tout. […] Vous êtes embarqué; et ne parier point que Dieu est, c'est parier qu'il n'est pas. Lequel prendrez-vous donc? Pesons le gain et la perte en prenant le parti de croire que Dieu est. Si vous gagnez, vous gagnez tout; si vous perdez, vous ne perdez rien.

Pascal pousse l’argument jusqu’à dire que, même s’il n’y a pas de vie éternelle, on aura déjà gagné bien des choses dans sa vie quotidienne:

Or, quel mal arrivera-t-il en prenant ce parti? Vous serez fidèle, honnête, humble, reconnaissant, bienfaisant, ami sincère, véritable. À la vérité, vous ne serez point dans les plaisirs empestés, dans la gloire, dans les délices; mais n’en aurez-vous point d’autres?

En effet, c’est la vie paisible et épanouie des chrétiens qui va interpeller les personnes de leur entourage. Et par amour pour leur prochain, le chrétien va chercher à établir des relations saines avec ses amis, ses collègues, ses voisins. D’autant plus que dans la société actuelle où la méfiance est de mise, on fait davantage confiance aux avis des utilisateurs qu’aux prospectus promotionnels du fabricant ou du magasin. Les chrétiens sont les "utilisateurs" de la foi en Jésus et par conséquent bien placés pour la recommander.

C’est certainement la raison pour laquelle les apologètes chrétiens citent souvent cette pensée de Pascal:

Les hommes ont du mépris pour la religion; ils l’ont en haine, et peur qu’elle ne soit vraie. Pour guérir cela, il faut commencer par montrer que la religion n’est point contraire à la raison, vénérable, en donner respect; la rendre ensuite aimable, faire souhaiter aux bons qu’elle fût vraie; puis montrer qu’elle est vraie.

Le style de vie des chrétiens est un des seuls moyens de rendre le christianisme plausible aux personnes qu’ils côtoient au quotidien. Par conséquent, le chrétien va prier que sa foi puisse apparaître comme désirable à leurs yeux, au point où elles cherchent à en savoir plus, à examiner les raisons pour penser que la foi chrétienne est vraie.

Pascal s’écarte donc de l’approche apologétique dite "scolastique" qui se borne aux raisonnements livresques, en privilégiant l’opinion d’un homme qui fait autorité (tel Aristote, par exemple). Pascal sait que “le cœur a ses raisons que la raison ne connaît pas”2, et malgré sa propre capacité intellectuelle extraordinaire, il refuse d’aller dans le sens de la pensée abstraite.

C’est pourquoi je n’entreprendrai pas ici de prouver par des raisons naturelles, ou l’existence de Dieu, ou la Trinité, ou l’immortalité de l’âme, ni aucune des choses de cette nature; non seulement parce que je ne me sentirais pas assez fort pour trouver dans la nature de quoi convaincre des athées endurcis, mais encore parce que cette connaissance, sans Jésus-Christ, est inutile et stérile.

Le but de Pascal, c’est donc d’abord de parler de Jésus!

Jésus-Christ, que les deux Testaments regardent, l’Ancien comme une attente, le Nouveau comme son modèle, tous deux comme leur centre.

Blaise Pascal est un grand scientifique (il a prouvé l’existence du vide), un grand mathématicien (il a été précurseur en matière du calcul des probabilités) et un inventeur extraordinaire (sa machine à calculer, la Pascaline), et pourtant il relativise cela dans un texte plutôt inattendu de sa part:

J’admire3 avec quelle hardiesse ces personnes entreprennent de parler de Dieu. En adressant leurs discours aux impies, leur premier chapitre est de prouver la Divinité par les ouvrages de la nature. Je ne m’étonnerais pas de leur entreprise s’ils adressaient leurs discours aux fidèles […] qui voient que tout ce qui est n’est autre chose que l’ouvrage du Dieu qu’ils adorent. Mais pour ceux en qui cette lumière est éteinte […] leur dire qu’ils n’ont qu’à voir la moindre des choses qui les environnent et qu’elles y verront Dieu à découvert, et leur donner pour toute preuve de ce grand et important sujet le cours de la lune et des planètes […] c’est leur donner sujet de croire que les preuves de notre religion sont bien faibles. Ce n’est pas de cette sorte que l’Écriture, qui connaît mieux les choses qui sont de Dieu, en parle. Elle dit au contraire que Dieu est un Dieu qui se cache, et que, depuis la corruption de la nature, il les a laissés dans un aveuglement dont ils ne peuvent sortir que par Jésus-Christ.

En fait, Pascal aborde parfois des questions scientifiques et philosophiques, mais il tient à rester centré sur ce qui est vraiment essentiel – notre Seigneur Jésus-Christ.

Je tends les bras à mon Libérateur, qui […] est venu souffrir et mourir pour moi sur la terre dans les temps et les circonstances qui en ont été prédites; et par sa grâce, j’attends la mort en paix, dans l’espérance de lui être éternellement uni; et je vis cependant avec joie, soit dans les biens qu’il lui plaît de me donner, soit dans les maux qu’il m’envoie pour mon bien, et qu’il m’a appris à souffrir par son exemple.

Parfois, on a l’impression que, par le passé, beaucoup plus de gens étaient croyants qu’aujourd’hui mais Pascal ne serait certainement pas de cet avis:

Il y a peu de vrais chrétiens, je dis même pour la foi. Il y en a bien qui croient, mais par superstition; il y en a bien qui ne croient pas, mais par libertinage: peu sont entre les deux.

Au vu de ses écrits, Il me semble que l’approche de Pascal est très pertinente de nos jours et un encouragement pour notre évangélisation:

  • Comprendre le monde tel que nos concitoyens le voient et en indiquer les insuffisances
  • Vivre sans honte en tant que chrétiens pour que l’on puisse voir les bienfaits de notre foi
  • Parler de Jésus, le seul fondement de notre foi
  • En parler avec un langage accessible et intéressant

En fait, c’est déjà l’enseignement de Paul dans Colossiens 4.3-6:

Lorsque vous priez, intercédez en même temps pour nous afin que Dieu nous donne des occasions d’annoncer sa Parole, de proclamer le secret de son plan qui concerne Christ. […] Demandez donc à Dieu que, par ma prédication, je puisse faire connaître clairement ce message comme il est de mon devoir de le faire. Conduisez-vous avec sagesse dans vos relations avec ceux du dehors, en mettant à profit toutes les occasions qui se présentent à vous. Que votre parole soit toujours empreinte de la grâce de Dieu et pleine de saveur pour savoir comment répondre avec à-propos à chacun.

Colossiens 4.3-6

Suivons donc l’exemple de notre frère Blaise Pascal dans notre contexte sécularisé francophone du 21ᵉ siècle!


Pour aller plus loin

David Brown

David Brown a exercé un ministère d’implanteur d’Églises à Nancy et en région parisienne. Il est actuellement pasteur d’une implantation d’église à Clichy-la-Garenne, juste à côté de Paris. Il a également été secrétaire général des Groupes Bibliques Universitaires (GBU) et responsable de la Commission Évangélisation du CNEF (Conseil National des Évangéliques de France). Il s’intéresse à l’interface entre la Bible et la culture française. Il a publié une dizaine de livres, souvent sur la relation Évangile et culture dont Le pari de Pascal est-il toujours d'actualité?

Ressources similaires

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Orateurs

L. Rychen et R. Anzenberger